D'Asperrance vers Asperance...

D'Asperrance vers Asperance...

temoignage de Fabien jeune Aspi

Témoignage de Fabien le 21 janvier 2015
CRA Champagne Ardenne
Le syndrome d’Asperger, du diagnostic à l’accompagnement à la vie sociale

Bonjour à tous
Introduction
On récence en France 1 autiste sur 150 personnes. Moi, j’ai du mal à imaginer que tant de monde soit ainsi concernés. On a une trop mauvaise vue d’ensemble quand on voit les choses de trop près, les chiffres précédemment cités parlent d’eux mêmes. 414 milles personnes environ sont plongées dans cette guerre. Certains sont en paix dans leur vie comme d’autres on déjà perdu bataille, mais moi des gens comme eux, je ne peux qu’en citer une poignée qui combattent tout près de moi.
Josef Schovanec a cité cette phrase d’Audiard dans son livre : « Bienheureux les fêlés cas ils laissent passer la lumière ». A ça, moi je réponds par celle de William Blake : « Si d’autres n’avaient pas été fous, nous devrions l’être ».
Pour mieux comprendre, ma position et le rôle que j’ai dans les groupes de socialisation, je vais vous faire part brièvement de mon parcours en milieu ordinaire, qui rentre bien dans le thème pour lequel j’interviens.
Présentation
Je me nomme Fabien V, j’ai 25 ans et je suis atteint du « SA », cette « différence » qui me hissera toute ma vie au rang d’intrigue et de curiosité. 
On décrit souvent les Asperger comme des virtuoses de la musique ou des maths, mais pour ma part je ne sais pas jouer une gamme complète au piano et ma seule notion des maths que je possède, c’est le théorème de Pierre Dac, consistant à dire qu’un carré est un cercle qui a mal tourné. 
Je ne suis pas un singe savant, vu je n’aie même pas les poils. Je suis juste un mec qui veut être ordinaire, un mec qui aime aussi faire les choses à sa manière. Je m’en suis pas mal sorti mais c’étais loin d’être gagné. Dites- vous une chose, vivre dans ce bas monde c’est gagné pour personne, mais pour des gens comme nous, c’est dix fois pire.
C’est sur le prix d’efforts et de déboires de mes proches que j’ai réussi à rester la tête hors de l’eau, car bien des malfaisants, des vindicatifs ou pignouffes de tout genre auraient rêvé de me jeter dans le « capitonner ». Car jusqu’alors, la France avait trois solutions pour traiter ses enfants malades : soit elle les interne, soit elles les cloquent dans les IME, soit elle dit aux parents « démerdez-vous ! ». 
En clair, j’étais parti pour finir avec les défaillants et je serais devenu fou de ne plus pouvoir devenir quelqu’un.
Au fil des ans, j’ai appris la sagesse, à me méfier, à me débrouiller et même à entretenir une maison, (j’en possède une que je suis en train de restaurer quasi-intégralement depuis trois ans). Je suis électricien depuis près de dix ans, dans une boite ou l’ambiance est à la fois « mi figue mi raisin » et j’ai dû apprendre à m’adapter, à gérer un chantier et de « flairer les gens ».
Pour un « Aspie » c’est un sacré apprentissage, surtout que je « reviens de bien loin ». Étant môme je me mettais constamment à l’écart des autres, à mimer mon monde. A l’heure actuelle je me rends bien compte à quel point je pouvais refléter une image bien peu flatteuse de ma personne. Ca ne sert a rien d’avoir honte de son passé, surtout si à l’heure actuelle, tout le monde s’en fout. 
J’étais bien entendu la risée de la cour de récrée, tout le monde me prenait pour un « original ». Malgré ça j’avais déjà l’esprit combatif (sans m’en rendre compte) parce que je tenais quand même à participer aux récrés. J’ai stoppé mes mimes en sixième (classe que bien des paltoquets affirmaient que je ne l’atteindrai jamais). Année scolaire assez mouvementée, mais à partir de la cinquième, j’ai commencé à me faire quelques amis et j’ai goutté aux joies et aux désillusions qui vont avec. 
C’est vers cette époque là que j’ai débuté la pratique du yoga. Cette pratique ancestrale m’a appris à dominer mon corps, à en prendre conscience, à adopter une confiance en soi et à calmer les tourbillons de la pensée.
J’ai commencé à avoir des amis qui me respectent quand je suis rentré au lycée. J’étais toujours seul aux récrées, quelques uns m’emmerdaient toujours, mais j’ai appris avec le temps de ne pas y prêter attention. J’ai commencé aussi à dissocier moquerie méchante et taquinerie. Bref j’ai commencé à me fondre avec les autres et à plaisanter avec eux. Cela a continué quand j’étais apprentis. 
Mon parcours professionnel et personnel
Pour moi j’ai fréquenté « l’école de la vie », quand j’ai commencé à bosser. J’ai fait un stage en Juin 2005 chez un artisan électricien, et je n’en suis jamais parti. Le 1 er Aout 2006, j’ai été pris comme apprentis dans un premier temps et, embauché définitivement au bout de deux ans.
Durant ces neuf années, j’ai rencontré des gars qui m’ont tout appris que ce soit du boulot comme sur la vie. Mon collègue et ami Vincent ne m’a pas appris qu’à bosser, il a beau avoir trente ans de plus que moi, mais on a le même caractère, une vie assez solitaire aussi, bref on se ressemble au point que dans la boite on nous appelle « le père et le fils ». Il m’a appris à avoir confiance en soi, de relativiser, de ne pas s’inquiéter pour rien et de flairer les gens et la psychologie humaine. Le voir marié avec des enfants me réconforte quelque part, ca voulais dire que si un mec qui me ressemble peut se caser, moi aussi. 
Patrick D. m’a aussi appris bien des choses : à déconner, à me décomplexer et à oser. C’était vraiment un vrai déconneur. Qu’est ce que j’ai pu rire avec lui, Un bon copain aussi. Pour 
Patrick B. (oui s’en est un autre), il m’a appris à bosser aussi, appris à avoir du flair pour les dépannages et tous le coté social qui va avec. On pénètre dans l’intimité des gens, et bien souvent chez des personnes âgées seules, des gens un peu déboussolés ou des bons vivants qui nous payent l’apéro un peu copieusement, ça nous met face a nos limites. On se taquinait beaucoup aussi, c’étais un grand joueur et c’est un peu grâce à lui que j’en suis devenu un. 
Dans ma vie professionnelle, je ne parle jamais de mes « problèmes », j’ai une certaine pudeur. Et ce n’est pas que pour ça, car je crains que sa fiche la frousse ou encore, que d’autre en profite pour m’embourber. Et même, ça ne regarde personne. Chez moi ça ne se remarque pas, à part ma franchise ou quelques maladresses. Autant laisser « ça » sous silence et je m’en porte mieux ainsi. 
Vincent m’a toujours dit « que ça ne doit pas être un obstacle mais un avantage, qu’on ne devrait pas « nous » exposer comme des singes savant dans un zoo, mais nous laisser notre dignité. Qu’on ne devrait pas faire notre vie autour de « ça » mais la construire par rapport à qui nous somme réellement ». Je le rejoins à 100% sur cette philosophie.
Mes amis et Le groupe de socialisation.
Si j’ai associé ces deux points sous un même chapitre ce n’est pas un hasard. En fait, avant l’existence du groupe j’avais peu d’amis, voire pas du tout. C’est grâce à ce groupe d’ado et d’adule Asperger que j’ai commencé à me familiariser avec des gens similaires à moi et à en faire des amis. J’y suis depuis le début en 2007 et je remercie Fouad qui anime ce groupe depuis tout ce temps.
Pour moi, ça m’a permis de me redonner confiance, de laisser faire les choses et ça a marché.
Mais le fait que je bosse dans un milieu ordinaire, que je côtoie beaucoup de monde, m’a permis de m’ouvrir et de me faire des amis autres qu’Asperger. J’ai réussi au fil du temps à faire ma place dans la société actuelle, aussi imparfaite qu’elle soit.
Ce groupe m’a permis aussi d’aider mes semblables. Je leur transmets tous ce que j’ai appris durant toutes ces années, je soumets beaucoup d’idées d’animations tel que des jeux de rôles en tous genre, on apprend à jouer avec les humeurs et les expressions du visage comme les expressions de la langue française. On s’améliore tous, on s’ouvre tous grâce aux uns et aux autres. Durant ces années, je n’ai jamais cessé de croire en mes camarades de scoumoune.
Je pense que le fait que les groupes de socialisation soient dans un cadre neutre et surtout dans un lieu accessible à tout le monde, dédramatise beaucoup notre sort. On ne se sent plus catalogué « malade » ou « handicapés » voire encore « personnes à risques ». Les barrières sont tombées et ça nous rappelle qu’on est des citoyens à part entière.
Conclusion :
La France a cette tendance tragique à sacrifier ses enfants qui ne répondent pas à des critères de normalité. Avant elle les jetait en premières lignes dans les guerres, maintenant elle les jette sans réfléchir dans les instituts, souvent arriérés ou inadaptés pour la majorité des cas. Les fusils se sont tuent mais, pour bien des familles, le combat continue. 
Merci de votre attention.

 

merci à Fabien de son témoignage et à Anne Apipa d'avoir relayé



22/01/2015
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