Les troubles du comportement ( idée lecture)
- G. Laxer, P. Trehin - 2ème édition - AFD Ed - 2008 - 136 pages (prix environ 13€)
Préface Les troubles du comportement rencontrés chez une personne atteinte de graves anomalies de la communication soulèvent pour l’observateur le problème de leur signification. Mais le sens que l’on peut accorder à ce type de manifestations varie profondément d’un modèle théorique à l’autre. Pour qui veut déceler dans l’autisme une réaction de rejet à l’égard de l’environnement social, et un refus de la communication, les comportements perturbateurs représentent l’expression de pulsions internes mal gérées dans le rapport à autrui et reflètent donc un aspect de la vie intérieure. En partant d’un tel postulat, le trouble du comportement devient message, moyen de communication, et représente alors la parcelle d’authenticité qu’il convient d’encourager. On trouvera dans cette logique, l’effet pervers d’un raisonnement qui soumet la réalité clinique à des modèles théoriques qu’aucune évidence ne saurait remettre en question. Si les troubles du comportement ont du sens dans le contexte de l’autisme, ils ne constituent pas, comme on pourrait le croire, un moyen de communication constitué en tant que tel dès l’origine, et destiné à délivrer intentionnellement un message à autrui. Ils représentent plus un accident de parcours de la communication. Dans le développement normal, l’enfant ne possède pas au départ de modèles élaborés d’échange avec son environnement social. Les premières formes d’expression sont avant tout émotionnelles et essentiellement négatives. C’est en effet, le déplaisir et la frustration qui se manifestent en premier lieu. Ils sont liés à la non- satisfaction des besoins élémentaires et vont se transformer en demandes à partir des réactions de sollicitude que les protestations de l’enfant suscitent chez les adultes. Dès lors que les cris de l’enfant entraînent la satisfaction d’un besoin et que la même séquence se répète avec régularité, l’enfant découvre la valeur d’appel de ses protestations et les reproduit pour obtenir la même réponse de l’adulte. Les émotions positives connaîtront la même évolution. L’enfant découvrant la valeur attractive de son sourire ou de ses vocalisations, il apprendra à les manier pour amorcer l’interaction. Dès cette étape de communication émotionnelle, l’enfant s’ajuste d’ailleurs de manière surprenante à son partenaire. Dans l’échange en face à face avec sa mère, il fixe le visage, réagit aux incitations de l’adulte, anticipe celles-ci, et sollicite à son tour dans un échange interactif dont les règles lui semblent connues à l’avance. Il y a d’ailleurs fort à penser que la capacité d’échange présentée par l’enfant dans des interactions très précoces s’appuie sur l’aptitude à communiquer, inscrite dans le patrimoine génétique de l’espèce, et qui permet au nourrisson d’avoir la pré-science de son partenaire social. Au delà de cette étape de développement, l’enfant élargit son intérêt à d’autres sphères. D’un intérêt essentiellement dirigé vers le visage maternel, il passe à une exploration visuelle de l’environnement qui s’appuie toujours sur la présence maternelle. En même temps qu’il continue à communiquer de manière privilégiée avec la mère, il s’ouvre au milieu environnant, et cette expérience s’appuie sur les comportements maternels. La mère reste en effet la référence essentielle à partir de laquelle il dirige son attention et évalue l’intérêt des situations ou leur danger éventuel. Le visage et l’attitude maternels sont à ce stade examinés à la recherche d’indices aptes à guider l’exploration de l’enfant. C’est donc très précocement que sont mis en place les éléments de la communication ultérieure. Sont en effet présents dès cette étape, des signaux aptes à faire réagir l’autre, la capacité à saisir la nature des messages émotionnels, l’aptitude à s’ajuster dans l’interaction, et la recherche dans la communication de l’autre, d’indices sur la nature de la situation. Il y a là tous les ingrédients de l’adaptation sociale, le sujet sachant exprimer des émotions et anticiper les réactions qu’elles vont susciter, décoder les émotions des autres, s’ajuster aux signaux d’autrui, et chercher l’information sur le visage de l’autre. Il restera ensuite dans une longue évolution des fonctions cognitives et sociales, à accéder au langage, à intégrer plus subitement les règles de la communication pour trouver naturellement sa place dans le groupe social. Ainsi, de la communication émotionnelle émerge la communication socialisée, soumise à des mécanismes cognitifs qui vont exercer contrôle et inhibition sur les émotions, et leur permettre de s’intégrer à la communication sociale. Ce développement qui s’effectue naturellement chez l’enfant normal en s’appuyant sur des capacités que chaque échange vient renforcer, est interrompu chez l’autiste dès les prémices de la communication, le jeu de l’interaction étant impossible pour l’un des partenaires. Il en résulte la non intégration de la valeur de signal des émotions, et ce, d’autant plus que les réponses qu’essaie d’apporter l’entourage n’ont pas forcément les vertus d’apaisement qu’elles ont chez les autres enfants. Il semble manquer d’emblée à l’autiste cette sensibilité qui permet de rentrer de plein pied dans l’échange et d’en apprendre les règles implicites. Ainsi, à l’origine du processus, la non-communication engendre la non communication, aggravée ensuite par la difficulté à décoder les expressions émotionnelles des autres. En manquant cette étape du développement durant laquelle les aptitudes préalables s’enrichissent en permanence dans les échanges, l’autiste ne peut établir des relations entre ses expressions émotionnelles et la réponse d’autrui. Il ne peut alors accéder à l’utilisation d’un signal en vue d’obtenir ce qu’il souhaite. Pour les personnes autistes les plus lourdement handicapées, l’utilisation intentionnelle des signaux permettant d’obtenir ce qu’elles souhaitent, de communiquer leur inquiétude, leur douleur ou leur plaisir, d’exprimer des sentiments à l’égard des autres restera impossible. C’est de ce dénouement qu’émergent les troubles les plus graves du comportement, l’absence d’emprise sur l’environnement et sur ce qui touche à la personne propre conduisant à l’expression émotionnelle à l’état brut, à la colère, à la violence ou parfois à l’apathie. Cet exemple de la personne totalement dépourvue de moyens de communication illustre de manière caricaturale le lien qui peut exister entre l’absence de capacités d’expression et les perturbations du comportement. Cependant, quelque soit le degré d’intensité de l’autisme, et même lorsqu’il s’agit de formes atténuées, les manifestations émotionnelles inadéquates traduisent souvent le désarroi devant une situation difficile à comprendre ou à gérer, et la difficulté à rechercher de l’aide par le biais de la communication. On est en effet souvent frappé par la vulnérabilité d’autistes dits de haut niveau, qui, face à une situation qu’ils ne peuvent maîtriser, retrouvent des modes d’expression émotionnelle bien en deçà de leur capacités verbales. Ainsi les limites de la communication sont-elles au coeur des problèmes de comportement dans l’autisme. Cependant, elles recouvrent de multiples difficultés : absence de compréhension des situations et notamment lorsquelles comportent une dimension sociale, distorsions sensorielles, incapacité à appréhender la durée, difficulté à être autonome, besoin de maintenir l’environnement stable... Le point commun à toutes les situations est qu’elles génèrent la frustration et l’angoisse, et qu’elles sont d’autant plus impossibles à gérer que l’autiste a du mal à considérer l’autre comme source d’aide et de réconfort. Les troubles du comportement de l’autiste ne peuvent donc s’aborder avec une seule clé. Ils reflètent un univers complexe qu’il convient modestement d’essayer de décoder si l’on souhaite apporter à la personne qui les présente d’autres moyens d’expression plus compatibles avec la vie sociale. Ce petit ouvrage constitue un instrument précieux pour les professionnels et les parents, car il présente, exemples à l’appui, la démarche d’analyse des troubles du comportement ainsi que des propositions de solutions dont on pourra tester rapidement l’efficacité.
Bernadette Rogé Docteur en Psychologie Professeur des Universités. |
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