Le point sur la prévalence de l'autisme
Le point sur la prévalence de l'autisme
24 avril 2016 (extrait adapté d'un article paru dans Rééducation Orthophonique, et recomposé par Franck Rasmus 2016)
Des informations souvent changeantes et parfois contradictoires circulent à propos de la prévalence de l’autisme. Dans cet article, nous faisons le point sur les données les plus récentes à ce sujet.
Il est incontestable que le nombre de diagnostics d’autisme ou de trouble du spectre autistique (TSA) n’a cessé de croître au cours des dernières décennies (figure 1). Alors que l’autisme était considéré comme un trouble rare dans les années 70 et 80, la dernière estimation en date desCenters for Disease Control and Prevention américains fait état d’une prévalence de 1 cas sur 68(Wingate et al., 2014). Une étude coréenne a même annoncé une prévalence de 2.6%, soit environ 1 cas sur 40 (Kim et al., 2011), sans que l’on sache s’il s’agit d’une augmentation au-delà de ce qui avait été précédemment observé, ou bien d’un résultat isolé non comparable à ceux des autres pays.
Figure 1. Evolution de la prévalence de l’autisme et des troubles du spectre autistique depuis 1970 aux Etats-Unis. Sources : 1975-1995, estimations de l’association Autism Speaks ; 2000-2010, Center for Disease Control, USA.
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Un second facteur est la meilleure reconnaissance dont a bénéficié l’autisme au cours du temps, à la fois auprès des professionnels et du grand public. Chez les médecins et autres professionnels de santé, cette meilleure reconnaissance a conduit à diagnostiquer d’une part des enfants qui n’avaient auparavant aucun diagnostic, d’autre part des enfants qui auparavant recevaient un diagnostic différent (déficience intellectuelle, trouble du langage, mutisme…). Ce phénomène de "substitution diagnostique" est bien illustré dans la Figure 2: au fur et à mesure que la prévalence de l'autisme augmentait, celle de la déficience intellectuelle diminuait, montrant un phénomène de vases communicants entre les deux diagnostics. La somme de la prévalence des deux diagnostics est quasiment stable au cours du temps. Dans l'étude dont sont extraites ces données, on peut également constater la décrue des diagnostics de "troubles spécifiques des apprentissages", ainsi que des "troubles émotionnels", deux catégories qui incluaient sans doute aussi un certain nombre d'enfants autistes (Polyak et al. 2015).
Figure 2. Nombre d'élèves (sur 10000) bénéficiant d'une reconnaissance de besoins éducatifs particuliers aux Etats-Unis, en fonction de la catégorie diagnostique: autisme ou déficience intellectuelle. Source: Polyak et al. (2015). Graphique: Autism Speaks. |

Autrement dit, l’augmentation des diagnostics au fil du temps est due en partie au fait que dans le passé, une bonne partie des cas qui auraient pu vérifier les critères diagnostiques de l’autisme n’étaient pas diagnostiqués comme tels, et par conséquent la prévalence de l’autisme était sous-évaluée. Dans le grand public, la meilleure reconnaissance de l’autisme (notamment grâce au filmRain Man, et à l’essor des associations de familles), a conduit les parents, les enseignants et les autres personnes concernées à être plus sensibles aux symptômes de l’autisme et à consulter plus fréquemment et plus tôt à ce sujet, augmentant le nombre de cas présentés aux professionnels pour diagnostic, et diminuant aussi l’âge moyen du premier diagnostic. De fait, historiquement, la plupart des diagnostics d’autisme concernaient uniquement des enfants suivis en institution hospitalière. Aujourd’hui, la plupart des cas diagnostiqués concernent des enfants hors institution. L’étude danoise sus-citée estime que cet élargissement de la population comptabilisée expliquerait environ 40% de l’augmentation des diagnostics. Ce phénomène est en partie confondu avec l’élargissement des critères diagnostiques, mais les deux facteurs pris ensemble expliqueraient 60% de l’augmentation des diagnostics (Hansen et al., 2015).
La question est donc posée : y a-t-il véritablement eu une augmentation du nombre de cas d’autisme, ou est-ce que l’augmentation apparente de la prévalence est uniquement une inflation diagnostique liée aux facteurs mentionnés ci-dessus ?
Une étude suédoise très récente vise à répondre à cette question en analysant l’évolution sur la période 1993-2002 à la fois du nombre de diagnostics d’autisme et des symptômes d’autisme, tels que mesurés sur des échelles standardisées (Lundström, Reichenberg, Anckarsäter, Lichtenstein, & Gillberg, 2015). En effet, si l’augmentation du nombre de diagnostics reflète une véritable augmentation du nombre de cas d’autisme, on s’attend à ce que les symptômes autistiques quantifiés dans la population augmentent de manière proportionnelle. La figure 3 montre l’évolution des diagnostics d’autisme dans l’ensemble de la population suédoise (ligne bleue), d’environ 0.2% en 1993, à 0.7% en 2002, soit une évolution comparable à celle constatée aux USA et dans d’autres pays. En revanche la ligne verte montre le nombre moyen de symptômes autistiques, sur une échelle en comportant 17. Comme on peut le voir, le niveau de symptômes autistiques est stable sur la période considérée, malgré l’augmentation concomitante du nombre de diagnostics. Ainsi, cette étude suggère que l’augmentation du nombre de diagnostics n’est pas due à une véritable augmentation des symptômes, et donc des cas d’autisme.
Figure 3. Evolution de la prévalence de l’autisme en Suède (ligne bleue), et évolution des symptômes autistiques quantifiés par l’Autism score. Source : Lundström et coll. (2015). |
Conclusion
Bien que le nombre de diagnostics de TSA ait considérablement augmenté au cours des dernières décennies, il y a toutes les raisons de penser que la majeure partie, sinon la totalité de cette augmentation soit attribuable à l’élargissement des critères diagnostiques et à leur application plus systématique à l’ensemble de la population concernée.
sources voir http://franck-ramus.blogspot.fr/2016/04/le-point-sur-la-prevalence-de-lautisme.html
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