D'Asperrance vers Asperance...

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Être autiste Asperger n’est pas plus facile qu’être autiste de Kanner

Être autiste Asperger n’est pas plus facile qu’être autiste de Kanner

Pour la majorité des gens, lorsqu’un autiste parle et s’exprime, c’est signe que tout va relativement bien et que la personne a très peu de défis.

 

J’ai cette chance d’avoir une famille bien neurodiverse et plus qu’atypique. Dans cette famille, il y a entre autres une petite fille autiste Asperger, deux petits garçons autistes classiques et une maman autiste classique également. Des ressemblances entre nous, il y en a plusieurs. Des différences également. Des défis et des forces particulières et uniques pour chacun d’entre nous.

Dès l’âge de 2 ans, ma fille faisait de longues phrases, plutôt complexes. Son vocabulaire était très varié et sa prononciation était parfaite. Au cours des dernières années, son vocabulaire s’est davantage enrichi. Ses mots employés sont recherchés. Sa manière de s’exprimer n’a rien de ressemblant avec les enfants de son âge. Combiné à sa mémoire exceptionnelle, elle peut se souvenir de faits passés avec une exactitude déconcertante. Il lui est possible de répéter textuellement des phrases entendues lors de discussions ou dans des séries télévisées. C’est une petite fille très brillante et perspicace qui sait mettre à profit ses forces.

En apparence, ma fille semble fonctionner très bien. L’autisme qu’on lui attribue semble bien léger sans avoir d’impacts majeurs dans sa vie. D’autant plus que ma fille est une petite fille bien sociale qui adore montrer ses intérêts, converser au sujet de ses frères, des animaux, des rénovations, etc. Avoir un beau vocabulaire et être très intelligente n’est pas nécessairement synonyme de défis moins élevés, au contraire.

Les autistes développent une multitude de stratégies d’adaptation et les filles Asperger plus particulièrement sont très douées pour ce type de camouflage social. Celui de mettre à profit leur mémoire phénoménale en utilisant une panoplie de phrases déjà entendues et de les intégrer subtilement dans les conversations. Rapidement et surtout aux yeux des adultes, ma fille semble communiquer aisément.

Cependant, lorsqu’on regarde plus attentivement et que l’on décortique ses phrases, on s’aperçoit qu’il s’agit de copier-coller. Rien n’est spontané et autonome dans sa communication. Qu’il s’agisse de films, de conversations d’adultes déjà entendues, des phrases d’amies, tout est calqué et s’agence à son discours qui semble sensiblement cohérent et bien ludique vu d’un œil extérieur.

Son monologue semble d’autant plus riche et complexe lorsqu’on mélange le tout à ses intérêts spécifiques. Nous pouvons littéralement avoir une « savante petite professeure » devant nous. Sa mémoire, ses phrases apprises par cœurs, ses phrases enregistrées dans son cerveau, ressorties au moment propice pour parler des dinosaures et vous semblez avoir une petite fille habile socialement, sans trop de difficultés.

 

Tenir un monologue ne signifie pas savoir tenir une conversation réciproque.

Savoir parler ne signifie pas être capable de suivre des apprentissages scolaires réguliers.

Savoir parler ne signifie pas comprendre ce que l’interlocuteur dit.

Savoir parler ne signifie pas comprendre tout ce que l’on dit soi-même.

Savoir parler ne signifie pas être capable de communiquer efficacement dans le monde neurotypique.  

Savoir parler ne signifie pas ne pas être autiste.

 

Et un monologue sur des intérêts spécifiques, comme énumérer la liste des noms complexes des dinosaures ayant existés ainsi que leur grandeur proportionnelle, leurs types alimentaires, carnivores, herbivores, etc. malheureusement, ça ne crée pas d’amitié. Ça crée plutôt des regards étranges et exaspérés. On ne parle pas de jeux sociaux réciproques mais bien d’un discours récité par cœur. Et ne l’interrompez pas avec une question, son écholalie différée risque de perdre suite…et de se retrouver dans un mutisme sélectif.

Elle est gênée, elle n’a pas envie de parler tout simplement ou dans le pire des cas, elle est mal élevée, c’est ce que vous pouvez sous-entendre. Mais la réalité, c’est qu’elle est figée et coincée avec un mutisme sélectif. L’accès à l’information de son cerveau lui est impossible à ce moment précis tant et si bien qu’il lui est impossible de répondre à cette simple question : Comment t’appelles-tu ?

Le mutisme sélectif est également un grand défi avec lequel plusieurs autistes verbaux doivent composer lors de situations anxiogènes, émotionnelles, lors de surcharges sensorielles, etc. Ne pas avoir accès à son cerveau, à des mots simples est très difficile à supporter. Se sentir stupide et impotente est souvent ce que ressentent les autistes Asperger.

Ma fille peut parler, mais il lui est souvent impossible de nommer l’endroit où elle a mal, de nous dire ce qu’elle ressent, de nous dire à quoi elle pense en ce moment, etc. sans s’enfermer dans un mutisme complet. Impossible pour elle de mettre des mots précis, concis et clairs. Impossible d’énumérer ses émotions ou sentiments sans un repli sur soi ou sans que nous ayons droit à un gros grognement grimaçant de sa part.

Ce n’est pas parce qu’un enfant autiste (même un adulte autiste !) parle qu’il comprend les métaphores, les blagues, les doubles sens, le sarcasme.

Être un autiste Asperger social ne veut pas dire que la socialisation est aisée et fluide.

Également, ce que les gens n’ont pas conscience et ce dont ils ne sont pas témoins, c’est que bien souvent, après un effort social important, ma fille se retrouve en surcharge sensorielle. Elle se déconnecte complètement. Le chaos interne s’installe dans tout son corps. Ses hypersensibilités tactiles deviennent à leur sommet et les meltown autistiques se succèdent parfois sur 2-3 jours après l’événement.

La majorité des autistes auront une communication verbale mais ce n’est pas pour autant que l’autisme n’est plus présent, que les défis sont moindres et surtout, que leur communication n’est pas atypique. Jamais un autiste ne communiquera naturellement et spontanément comme un non-autiste. C’est un fait que nous avons tendance à oublier ou à ne plus tenir pour compte.

Moins visible à l’extérieur ne signifie pas que l’autisme est « léger ».

Moins visible ne signifie pas moins d’anxiété à l’intérieur.

Moins visible ne signifie pas moins de défis.

Moins visible peut seulement parfois signifier que la personne autiste utilise tellement de mécanismes d’adaptation qu’elle réussit à se camoufler parmi les non-autistes et qu’elle finit par se camoufler elle-même à force d’effort pour trahir sa neurologie, sa nature profonde.

Les autistes Asperger sont considérés comme des autistes très fonctionnels dans la société. Toutefois, nous oublions tous les efforts d’adaptation soutenus quotidiennement que cela nécessite afin que l’autisme soit moins visible.

Être ignoré et incompris simplement parce que l’autisme est plus ou moins invisible est une grande souffrance pour bien des Asperger.

 

Pour la majorité des gens, lorsqu’un autiste ne s’exprime pas verbalement, c’est signe d’un autisme véritable, celui profond, celui que l’on doit traite

 

Un petit enfant qui était bien ancré dans son monde imaginaire, dans « sa bulle ». Non verbal, avec sa manière particulière de nous prendre la main pour nous communiquer ses besoins. Ces effondrements autistiques incessants. Ces épisodes d’automutilation et d’incompréhension. Ce petit garçon dont on pourrait craindre fortement pour son autonomie future, sur sa véritable qualité de vie.

 

Ce petit bonhomme âgé de 5 ans évolue à son propre rythme. Il ne sait toujours pas compter jusqu’à 10 et ne connait toujours pas son alphabet. Il sait maintenant communiquer avec nous verbalement, avec un beau petit vocabulaire tout simple, bien à lui. Les mots sortent parfois difficilement, surtout lorsqu’il parle rapidement, sa dyspraxie verbale vient jouer les troubles fête ! Le jaune, l’orange et le rouge s’entremêlent encore dans sa tête, tout comme le bleu marin, le noir et le brun. Il ne joue pas au ballon. Il ne comprend pas les jeux de rôle et et les sports d’équipe. Il ne construit pas d’animaux avec sa pâte à modeler, il la manipule, l’écrase et l’étire.

 

Il porte des souliers à velcros…quand il en porte. Il ne va pas seul aux toilettes et fait encore pipi au lit, parfois 2 fois par nuit. Il fait aussi pipi dehors, n’importe où. Il ne chante pas. Il ne sourit pas devant la caméra (sauf si vraiment, on le fait rire!). Il ne dit pas bonjour, ni merci. Il mange peu et sort de table sans permission. Il s’endort avec maman et dort avec papa. Il fait des crises, donne des coups de pieds, frappe et s’effondre par terre encore plusieurs fois par jour. Il n’apprend pas de manière conventionnelle, le système scolaire, ce n’est pas pour lui. Il ne supporte pas les bruits forts inattendus. Il se désorganise complètement en sorties.

 

Un petit garçon autiste prototypique qui apprend à son propre rythme, d’une manière atypique.

 

Les conventions, les normes sociales, les standards font en sorte que ces enfants sortent complètement du cadre, bouleverse nos croyances, nous effraient, nous remettent en doute constamment. La société nous pousse en tant que parent à agir vite avant qu’il soit trop tard. Mais agir comment et pourquoi? Si pressé, on en oublie l’humain derrière ainsi que ses capacités innées.

 

A l’inverse du syndrome d’Asperger pour lequel j’avais envie de vous montrer les difficultés invisibles, ici, j’ai envie de vous montrer les forces, parfois invisibles surtout en bas âge chez un autiste prototypique.

 

Mon petit bonhomme crée des constructions Lego fantastiques, hors du commun. Il sait reconnaître sur papier plusieurs espèces complexes dinosaures lorsqu’on lui nomme leur nom. Il connait le nom de tous les outils de papa et il sait se servir de certains d’entre eux (sous supervision!) Il est passionné par les fils, les câbles, les vis, les boulons, etc. Il sait maintenant comment fonctionne un circuit électrique simple. Il sait reconnaître les grenouilles, les crapauds et les rainettes, tout comme les sauterelles, les menthes religieuses et une panoplies d’autres insectes. Et il leur construit des habitats. Il est un pro de Mario car à la WII. Il sait pointer le Québec, le Canada, la Chine, la Russie, l’Australie et l’Antarctique sur le globe. Il sait comment se forme les orages. Il reconnait les planètes. Il adore ses animaux et peut en prendre soin.

 

Il n’y a pas de « bons » ou de « mauvais » apprentissages, ni d’ordre dans lequel ils doivent se faire. Dans notre société, nous avons tendance à uniformiser les compétences et les acquis des enfants. Pourtant, chaque enfant est unique et a son propre rythme, qu’il soit autiste ou non. À force d’insister et de diriger les apprentissages, nous risquons d’éteindre la curiosité naturelle et les apprentissages spontanés de ces enfants.

 

Pour les enfants autistes, plus particulièrement les prototypiques qui sont davantage perceptifs, nous risquons de perdre le cap sur les intérêts spécifiques et par conséquent, sur leurs forces naturelles. Ce sont surtout ces autistes qui ont subi de mauvaises thérapies ce qui a nuit considérablement au développement de plusieurs d’entre eux. Le manque de connaissance en autisme conduit encore aujourd’hui, plusieurs autistes à avoir des problèmes de comportements et un retard intellectuel acquis.

 

Les besoins et les apprentissages des autistes sont complètement différents de ceux des non autistes. Et on doit en tenir compte dans nos approches. Nous devons cesser de « faire n’importe quoi, n’importe comment » parce que des spécialistes en autisme non autistes le recommandent sans comprendre comment fonctionne le cerveau des autistes.

 

Avoir des manifestations comportementales de l’autisme n’est pas un signe d’un véritable autisme. Et à l’inverse, ce n’est pas parce qu’un autiste semble bien fonctionner vu de l’extérieur qu’il n’a pas de grands défis à surmonter au quotidien. L’important n’est pas de rendre l’autisme invisible mais bien de s’assurer que la personne a tous les outils nécessaires pour communiquer ses besoins et pour bien comprendre comment fonctionne son cerveau pour éviter l’épuisement mental.

 

Que la personne autiste soit Asperger ou prototypique, peu importe son « degré de sévérité » attribué, il est essentiel de respecter le fonctionnement de la structure de pensée des autistes. Il est essentiel que les « interventions » soient adaptées au cerveau autistique.

 

Que l’autisme soit « invisible » ou « plus apparent » ne dit absolument rien sur les véritables difficultés que rencontre la personne autiste. Il ne faut jamais se fier aux apparences extérieures pour se faire une idée des difficultés de la personne autiste, qu’elle soit Asperger ou prototypique.

 

 

source : http://neurodiversite.com

 

 



15/08/2017
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