Nous sommes représentés dans les médias comme des produits consommables.
La promo du jour! Plaignez les autistes… oh pardon, en fait, c’est «Plaignez les parents». Bon.Les stéréotypes abondent.
Et il se forme un fossé: celui qui sépare, d’un côté, les autistes «très atteints» ou «profonds», ceux qui ne sont «pas de haut niveau»
– avez-vous remarqué qu’on ose rarement dire «autistes de bas niveau»? Mais on le sous-entend, par opposition avec «haut niveau».
De l’autre côté, il y a les «Asperger/autistes de haut niveau». Ceux qui sont «chanceux», qu’on montre dans les pubs et les réseaux sociaux comme des bêtes de foire quand ils agissent comme des gens ordinaires.
Pour moi, ceci fait partie de la difficulté: cette idée qu’il y a deux sortes d’autistes, alors que c’est un continuum à 4 dimensions.
Mais qu’est-ce que j’en sais, hein, moi qui suis capable de parler, qui ai un travail, une maison? Voyons voir.
Quand il y a du bruit fort et que je suis fatiguée, je ne suis pas plus fonctionnelle qu’un enfant très atteint. Je deviens très atteinte moi-même, parfois je crie en réaction, je cours, les mains sur les oreilles; je suis souvent mutique; j’arrive à communiquer par écrit, difficilement. Je dis non à tout. Si une personne qui n’est pas un proche m’impose quoi que ce soit, je réagis en opposition; si quelqu’un tente de me toucher, je frappe. C’est pour me défendre.
Quand je dois passer près d’un chantier de construction et que je suis envahie par le son, la poussière et la difficulté de contourner le chantier, je suis au bord de la panique. Et vous savez de quoi j’ai peur? De perdre tous mes repères, d’être perdue, en danger. Je. Suis. Handicapée. Ce n’est pas une blague. Je n’ai jamais fait de crise de panique. Mais des effondrements autistes, j’en ai fait toute ma vie, et je les contourne tous les jours.
Je ne parle pas souvent de ça, parce que qui aime décrire ses moments de faiblesse, de vulnérabilité? La plupart d’entre nous avons cet orgueil de ne pas crier à tout vent nos défis et nos obstacles. Mais la vraie sensibilisation, c’est aussi de comprendre que peu importe la capacité de communication orale de la personne autiste, les difficultés sont réelles et tangibles. Pour beaucoup d’entre nous, on les met de côté et on tente de les ignorer, on n’en parle pas, on emploie souvent le déni parce que c’est une façon de pouvoir continuer.
Dans la vie de tous les jours, je fonctionne assez bien. J’ai appris à être indépendante et à faire mes propres choix, et à persévérer quand on me juge ou qu’on me rejette, à prendre sur moi quand j’échoue. Plus j’ai réussi à dépasser les obstacles, plus j’ai pris confiance en moi. J’ai appris à naviguer le monde, parce qu’il le fallait. J’ai de la chance pour ça.
Cependant, avec mon expérience, et après avoir lu et entendu des centaines de témoignages, je ne vois toujours pas, sur le fond, de limite claire entre deux sortes d’autistes. Il existe un écart qui se base sur la capacité de communication orale, certainement. C’est un gros morceau, et je suis convaincue que l’apprentissage de la communication (écrite ou assistée quand elle ne peut pas être orale) est la clé pour réduire cet écart, comme on le constate de plus en plus. Mais nous avons aussi tous des défis en commun, qui varient d’une personne à l’autre, mutiques et non mutiques.
Puis je vieillis, et je me rends compte que âgée, je vais probablement être peu fonctionnelle et subir toutes sortes de préjudices. Dans ce temps-là, elle est où, la limite?
Je pense que nous qui sommes capables de communication orale ou écrite avons une responsabilité d’éduquer les gens et de faire en sorte que tous les autistes soient respectés, peu importe leurs capacités. Si nous pouvons faire passer le message que tous méritent soutien, soins et respect, on en profite tous, après.
Mais si on reste avec l’idée qu’il y a deux sortes d’autistes, on se tire dans le pied.
Il y a des gens qui ont besoin d’aide, d’autres moins.
Qu’ils soient autistes ou pas ne change rien à cette vérité fondamentale essentielle pour qu’ils puissent réaliser leur plein potentiel.
Il y a des autistes qui ont besoin d’aide, d’autres moins. Cela ne change rien à leur humanité fondamentale et à la vérité essentielle que tous doivent recevoir les moyens de réaliser leur plein potentiel en tant qu’être humain, et non un potentiel limité par les idées préconçues de ce qu’une personne peut faire, ou surtout de ce qu’on a décidé qu’une personne ne peut pas faire.
Présumer la compétence, c’est donner les moyen de soutien utiles, et c’est aussi de laisser à la personne le soin de décider ce qu’elle peut faire ou non, en lui donnant les moyens de l’explorer si elle le souhaite, en favorisant l’initiative et en acceptant les défis pour ce qu’ils sont.
Il y a une seule sorte d’humain.
source: https://irmazoulane.wordpress.com/2016/04/20/autisme-lillusion-des-niveaux/